Charles Desse, un capitaine breton à Dunkerque

En mai 1940, les troupes alliées se retrouvent bloquées entre les soldats du Reich et la mer du Nord dans la poche de Dunkerque. Le dernier espoir pour ces 400.000 soldats est de rejoindre l’Angleterre. Du 26 mai au 4 juin 1940, l’opération Dynamo est mise en place pour évacuer par bateau un maximum de soldats. Alors que Winston Churchill espérait récupérer au mieux 40.000 hommes, l’opération permet d’en évacuer plus de 330 000. Le film Dunkirk décrit avec brio cette évacuation réussie dans des conditions dantesques, même si, on le sait puisque la polémique a été vive, il ne dit rien ou presque de la participation française à cette tragédie. L’occasion pour nous de revenir sur le parcours d’un de ces hommes, un Breton originaire  de Guingamp, le capitaine Charles Desse.

Le Douaisien, navire de Charles Desse. Collection Yvon Perchoc.

Le 10 mai 1940, après neuf mois d’attente, le Reich attaque en Hollande, en Belgique et en France. Le 20 mai, les troupes allemandes atteignent la mer. Encerclé, le corps expéditionnaire britannique  est pris au piège, de même que plusieurs corps d’armées français. Le général Weygand décide d’ajourner une contre-offensive pour réorganiser ses forces. Le Royaume-Uni risque d’être privé d’armée... C’est alors que s’organise l’évacuation des troupes, prises dans la nasse de Dunkerque.

Les Français sont, on l’a dit, les grands absents du film de Chritsopher Nolan. Pourtant ils sont des dizaines de milliers à lutter pour protéger l'évacuation. 40 000 compatriotes mènent la résistance contre 160 000 Allemands pour permettre aux  330 000 soldats d’évacuer.  Plus d’un millier de navires prennent part à l'opération, dont beaucoup sont civils. 300 bateaux français participent même à l'opération de sauvetage1.

Parmi les marins français impliqués dans l’opération Dynamo, il y a le Capitaine Desse, né à Guingamp le 13 janvier 1902, commandant du Douaisien, un bâtiment immatriculé à la Compagnie des bateaux à vapeur du nord. Arrivé à Dunkerque le 15 mai 1940 pour décharger une cargaison de vin, le navire doit repartir, chargé de laine. Mais, réquisitionné par l’autorité militaire, il reçoit l'ordre de quitter Dunkerque le 28 mai avec 1 200 hommes de troupe et des civils réfugiés. Alors qu'il met le cap sur Cherbourg, le bateau touche une mine dans la passe de Zuydcoote, la nuit du 29 mai. Le capitaine réussit à faire échouer le bateau sur un banc de sable. Malgré la panique générale, Charles Desse garde son sang-froid. Au total, seuls trois soldats décèdent. Récupérés par différents navires, l'ensemble des rescapés est débarqué à Douvres, sur les côtes anglaises, sains et saufs.

Elément du dossier de Légion d'honneur de Charles Desse (dtéail). Arch. Nat.: 19800035/0324/43682

Le gouvernement britannique, à la demande des autorités de Vichy après l'armistice du 22 juin 1940, aide au rembarquement de ces soldats vers la France. Une minorité rallie le Général de Gaulle, mais la plupart veulent rentrer, dont Charles Desse qui reprend son poste à la Compagnie du Nord. Il est d’ailleurs nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1941, puis élevé au grade d'officier en 1953. Il décède à Paris le 7 mai 1960, marin anonyme de la Seconde Guerre mondiale. La super-production hollywoodienne a permis de mettre en lumière le  « devoir de mémoire » et de ressortir de l’ombre ce destin aussi tragique que méconnu.

Jacques KEROUAL

 

1 LORMIER, Dominique, La Bataille de Dunkerque, 26 mai – 4 juin 1940, Paris, Tallandier, 2011.